Formation des Cadres de l’Etat aux Conséquences du Réchauffement Climatique

Lancée en octobre 2022, sous l’impulsion de la Première ministre et du Ministère de la Transformation et de la Fonction Publique, la formation des cadres de l'Etat et des hauts fonctionnaires à la transition écologique vise à sensibiliser l’ensemble des hauts cadres de l’État français aux conséquences du changement climatique d’ici 2024

Dans un contexte où le réchauffement climatique, la perte de biodiversité et la diminution des ressources naturelles, sont devenus des réalités incontournables, l'initiative de former les cadres de l'État aux enjeux de la transition écologique s'avère être une étape cruciale. Chaque cadre est amené à suivre un parcours de formation obligatoire composé de cinq étapes, comprenant deux ateliers de sensibilisations, trois conférences-débats, une visite de terrain et un atelier de passage à l’action. A La Réunion, le CNRS est en charge d’organiser les conférences-débats animées par des expertes et experts issus des universités et/ou des organismes nationaux de recherche. Le point focal en charge de la mise en place de ce module, Louise Burban, Chargée de mission "climat - biodiversité - ressources" au CNRS/OSU-R, exprime son espoir que cette formation puisse déclencher une prise de conscience sur l'urgence des défis climatiques et environnementaux plus particulièrement dans la région du sud-ouest de l’océan Indien. 

La Planète et La Réunion face aux changements climatiques 

Marie-Dominique Leroux, Responsable de la division Études et Climatologie de Météo-France pour l’océan Indien, a présenté une intervention intitulée « La planète et La Réunion face aux changements climatiques ». Cette conférence offre une perspective approfondie sur les nuances entre la météo et le climat, deux concepts souvent confondus. Alors que la météo se réfère aux conditions atmosphériques à un moment et dans un lieu donné, le climat englobe les tendances à long terme des variables atmosphériques. La mise en lumière de cette distinction fondamentale permet de comprendre les processus impliqués dans le réchauffement climatique. Elle évoque également des phénomènes tels que El Niño, phénomène climatique périodique caractérisé par le réchauffement anormal des eaux de surface dans l'océan Pacifique équatorial, ayant des répercussions mondiales sur les conditions météorologiques. 

L'évolution du climat, marquée par un déséquilibre croissant des gaz à effet de serre, est également abordée. De fait, la température globale a augmenté d’environ 1,2°C depuis 1850-1900 en lien direct avec une augmentation de 50% de la concentration en C02 de l’atmosphère en 270 ans. Ces augmentations entraînent des impacts variés et inégalement répartis à travers le globe. En effet, certaines zones sont plus touchées par le réchauffement climatique que d’autres, les continents se réchauffent plus rapidement que les océans, de la même manière les pôles et les zones de haute altitude sont particulièrement affectés par les hausses de température. Ces changements ont des répercussions majeures, telles que la fonte des glaces, les chaleurs extrêmes, les précipitations intenses, l’intensification des cyclones, la montée du niveau de la mer, le développement de conditions météorologiques propices aux incendies et à la sécheresse…

La situation à La Réunion, en particulier, est exposée comme un exemple concret des défis posés par le réchauffement climatique. Si aucune mesure d'atténuation n'est entreprise, l'île pourrait faire face à une augmentation de 4°C de sa température moyenne d’ici 2100, entraînant des perturbations majeures du cycle de l'eau et une augmentation de l'intensité des événements météorologiques extrêmes. Ce scénario souligne l'urgence d'agir face au changement climatique en diminuant nos émissions et la nécessité de prendre en compte les phénomènes naturels, la vulnérabilité des personnes et/ou des biens et l’exposition dans la gestion des risques environnementaux et humains. 

Changements Climatiques et Dengue

Thierry Baldet, Chercheur du Cirad, spécialiste des maladies vectorielles émergentes et coordinateur du dispositif en partenariat One Health Océan Indien, a présenté une conférence intitulée « Changements Climatiques et Dengue ». Il met en lumière l'impact des changements climatiques sur la propagation de la dengue, une arbovirose urbaine transmise par les moustiques. Cette maladie virale est caractérisée par quatre sérotypes, avec une période d'incubation de 4 à 10 jours suivie de symptômes cliniques pouvant durer de 2 à 7 jours. Ces symptômes varient d'une forme légère à des cas plus sévères, notamment la dengue classique se manifestant par des syndromes grippaux et la dengue sévère pouvant entraîner des complications hémorragiques. Principalement présente dans les régions tropicales, la dengue est transmise par les moustiques Aedes albopictus (moustique tigre) et Ae. aegypti, qui ont une grande affinité pour les environnements urbains et une forte plasticité d'adaptation à l'humain. Ces mêmes moustiques vecteurs sont également responsables de la transmission d'autres maladies virales telles que le chikungunya et le Zika. 

La dengue était autrefois rare, avec des épidémies ayant sévi uniquement dans neuf pays avant 1970. Cependant, la mondialisation, caractérisée par l'augmentation des échanges commerciaux et humains, a favorisé la diffusion des vecteurs et des virus à travers le monde. En parallèle, les températures en augmentation ont créé des conditions propices à l'établissement des moustiques vecteurs dans de nouveaux territoires géographiques. Des événements tels que le transport de pneus et de plantes sont identifiés comme responsable de l’introduction de ces moustiques dans de nouveaux territoires comme en Europe. Combiné à d’autres facteurs comme l’augmentation démographique, l’urbanisation et la résistance aux insecticides, ces évènements expliquent une telle recrudescence de ces moustiques vecteurs dans le monde.

Ainsi, les conditions environnementales modifiées, combinées aux facteurs sociétaux énoncés favorisent la propagation des moustiques vecteurs et des virus, ainsi que leur implantation dans de nouveaux habitats, augmentant ainsi le risque de transmission de maladies infectieuses. D'après l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l'année 2023 compterait 5 millions de cas et 5 mille décès liés à la dengue dans plus de 80 pays/territoires et 5 Régions de l’OMS.

Par conséquent, les stratégies d’atténuation des changements climatiques et de contrôle des maladies vectorielles doivent être étroitement liées pour minimiser leurs impacts sur la santé humaine et préserver la sécurité sanitaire mondiale. 

Approche One Health : Comprendre l'interconnexion entre changement climatique, santé humaine et maladies vectorielles

Dans cette perspective, la collaboration interdisciplinaire et internationale devient indispensable. L'approche One Health, qui intègre les dimensions humaine, animale et environnementale, offre une voie prometteuse pour comprendre et agir face à ces défis complexes. Des initiatives telles que les projets MACATIA 1 et 2 et CC-RIO COI, menés conjointement entre le dispositif en Partenariat One Health Océan Indien et Météo France Réunion, illustrent cette approche en étudiant l'évolution des risques sanitaires liés au changement climatique dans la région de l'océan Indien.

Selon Marie Dominique Leroux, l’application du One Health passe notamment par la préservation des écosystèmes. Elle souligne, par exemple, l'importance des coraux et des mangroves dans la lutte contre l’impact des changements climatiques. Les coraux, en plus de constituer un habitat essentiel pour la biodiversité marine et de jouer un rôle crucial dans la régulation du climat, atténuent la houle. De même, les mangroves agissent comme des barrières naturelles contre les tempêtes et les vagues de tempête, tout en stockant d'importantes quantités de dioxyde de carbone.

En somme, la formation des hauts cadres de l’Etat aux conséquences du réchauffement climatique revêt une importance capitale dans la perspective d'une transition écologique nécessaire et urgente. Elle représente un investissement vers un avenir plus résilient et durable pour tous.

Publiée : 12/04/2024